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2- DEFINITION DE LA DOSE D'EXPOSITION ET PARAMETRES ENTRANT EN COMPTE DANS L'EVALUATION DE L'IRRADIATION EN RADIOPEDIATRIE

2.1 La notion de dose

Les doses d'exposition (doses à l'entrée ou doses à la peau) et les doses absorbées (souvent évaluées à mi-épaisseur) sont les deux grandeurs physiques principalement utilisées pour caractériser l'irradiation d'un patient lors d'un examen radiologique.

2.1.1 Définition de la dose absorbée

La dose absorbée est définie par la quantité d'énergie dE délivrée à la matière de volume dV et de masse dm élémentaires. Au voisinage d'un point P, la dose absorbée est donc définie par: D= de / dm Elle prend en compte les rayonnements diffusés par les organes situés en dehors de la zone exposée et dépend de la dose d'exposition (unité: Gray ou Gy) mesurée à l'entrée du patient et se limitant à la seule dimension du champ. Distinguons la dose absorbée à mi-épaisseur dans le volume irradié et la dose absorbée intégrale pour le volume total irradié. L'unité de dose équivalente est le Sievert (Sv) : Dose équivalente en Sv = dose en Gy * facteur de pondération Le facteur de pondération est de 1 pour les photons.

2.1.2 Limitation de la mesure de la dose absorbée

Bien que la dose absorbée soit la valeur qui donnerait théoriquement le plus d'informations utiles sur l'irradiation du patient, elle ne peut être mesurée directement lors de l'examen radiologique: une mesure à mi-épaisseur (habituellement effectuée sur fantôme anthropomorphe) impliquerait une implantation du détecteur dans le corps même du patient. Elle ne peut donc être évaluée que théoriquement par l'intermédiaire de la " dose dans l'air " Da, de l'épaisseur et de l'atténuation à mi-épaisseur du faisceau dans le milieu considéré. Chez l'enfant, la petite taille fait que les organes cibles sont en général plus près de la zone irradiée contrairement à l'adulte, c'est pourquoi la dose d'exposition ne put être pendant longtemps mesurable du fait de la trop grande taille des détecteurs utilisés (le plus courant était la Babyline, confer annexe 1), risquant de cacher l'image radiologique et par conséquent de refaire plusieurs clichés provoquant une irradiation excessive de l'enfant.

2.1.3 Choix de la dose d'exposition

Le problème de la taille du détecteur fut résolu par l'apparition de nouveaux détecteurs de dimensions beaucoup plus petites telle " DOSIMAX ", détecteur à semi-conducteur. Placé en bordure de champ (mais cependant dans le champ), ce détecteur ne risque plus de masquer l'image radiographique (confer annexe 3). Cependant le caractère unidirectionnel de cette détection ne permet pas de mesurer entièrement le rayonnement diffusé (confer annexe lC). La mesure de la dose d'exposition s'avère être une évaluation correcte de l'irradiation reçue par un enfant lors d'examens radiopédiatriques. Deux valeurs de doses d'exposition peuvent être fournies: une dose en mGy/cm² ou une dose d'exposition intégrale exprimée en mGy/cm² * S (S : surface du champ d'irradiation à la peau). Nous choisirons de donner nos résultats de mesure en mGy/cm2. Cette dose dépend de plusieurs paramètres techniques et humains que nous développerons dans le paragraphe C de ce chapitre.

2.2 Effets et risques liés à l'irradiation

Les effets sur l'organisme dus à l'irradiation d'un patient sont différents selon que nous considérions des doses élevées (concernant essentiellement les malades traités en radiothérapie) ou des doses faibles, impliquant à la fois des personnes qui, soit dans l'exercice de leur profession ou soit lors d'examens médicaux, sont soumises à une très faible exposition.

2.2.1 Mécanismes et effets de l'irradiation

En traversant un tissu vivant, un rayonnement ionisant cède une certaine quantité d'énergie. Les milieux ionisés possèdent une haute réactivité et déclenchent dans la cellule des réactions chimiques perturbant plus ou moins gravement son fonctionnement normal. Ces perturbations radiochimiques sont à l'origine des différentes radio lésions observées dans les cellules irradiées. Dans le cas d'une irradiation externe (aux RX par exemple), les radiolésions sont, en premier lieu, caractérisées par un temps de latence entre l'irradiation et l'apparition des troubles. D'autre part, tant que les doses restent faibles, les radiolésions somatiques sont réparées par les défenses naturelles: il y a restauration complète. Hormis les effets génétiques, les atteintes dues aux radiations restent limitées à l'individu irradié et ne sont pas " contagieuses". Après irradiation générale, il apparaît que certains organismes sont plus sensibles que d'autres, notamment ceux constitués par des cellules jeunes qui se multiplient rapidement. Les radiolésions somatiques affectent : · la peau: par irradiation par des doses de RX croissantes apparaissent l'érythème, l'épidermite et la radiodermite, constituant les lésions cutanées principales. · l'œil: observation de cataractes. · les gonades: stérilité de l'homme par irradiation des testicules, transitoire pour des doses faibles et définitives pour des doses supérieures à 10 Gy. · les organes sanguiformateurs : leucocytes et hématies n'ont qu'une durée de vie limitée et ne sont renouvelés que par les tissus qui les produisent: rate, ganglions lymphatiques, thymus et moelle osseuse. · l'embryon: malformation chez le nourrisson dont la mère a été soumise pendant sa grossesse à des expositions excessives aux RX.

2.2.2 Risques des radiations pour des doses faibles

Les conséquences des doses faibles sont aléatoires, elles ne représentent qu'un risque statistique et leur effet est dit stochastique. Les doses d'exposition délivrées pour un examen radiopédiatrique sont au maximum de l'ordre du mGy par examen, ce qui correspond à des risques d'irradiation extrêmement faibles bien que l'organisme des jeunes patients comporte des cellules jeunes. Par exemple on considère que chez l'embryon (de 3 à 5 semaines) le risque de microcéphalie et de retard mental est estimé à 10 % pour 1 Gy (source : J. Dutreix [13]).

2.3 Paramètres intervenant dans l' évaluation des doses délivrées au cours d'un examen radiopédiatrique

2.3.1 La tension d'alimentation du tube

Pour les examens radiopédiatriques la tension d'alimentation du tube à rayons X (confer annexe 2C) varie entre 45 et 65 kilovolts. Le choix de cette haute tension doit se faire en fonction du contraste d'image souhaité pour l'examen. Cette constante est réglée soit automatiquement par l'appareil dans le cas de la scopie et des exposeurs automatiques (l'exposition est arrêtée lorsque la dose au niveau du film est atteinte) ou par des tables accessibles aux manipulateurs.

2.3.2 Les mAs (annexe 2)

La dose d'exposition est directement proportionnelle au nombre de mAs. Comme dans le cas de la tension cette constante est fixée automatiquement ou manuellement.

2.3.3 Le temps de pose (annexe 2)

La dose délivrée en scopie est proportionnelle au temps d'exposition choisi par le manipulateur ou fixée par l'appareil (cas de salle 4). Ces doses sont beaucoup plus faibles que pour une radiographie, mais cette opération est réitérée plusieurs fois et sa durée varie selon les manipulateurs ou les médecins radiologues et selon le bon déroulement de l'examen radiologique (confer cystographie).

2.3.4 La filtration (annexe 2B)

L'utilisation d'un filtre en sortie du tube constitué d'une plaque d'Aluminium réglementaire (d'au moins 2,5 mm d'épaisseur) permet d'éliminer les composantes de basses énergies du rayonnement émis, risquant d'irradier inutilement la surface cutanée.

2.3.5 La taille du champ d'irradiation

Le champ d'irradiation ne doit recouvrir que la région ayant un intérêt pour le radiodiagnostic. Les manipulateurs de radiologie disposent dans ce but soit d'un éclairage lumineux correspondant aux dimensions du champ pour les salles de radiologie analogique, soit d'un centrage à l'aide de deux diodes lasers (cependant peu utilisé) et de la scopie pour les salles de radiologie numérique. Outre la taille du champ d'irradiation, la variation spatiale d'intensité du champ doit être prise en compte. Pour ce faire, avant chaque mesure de dose l'anode et la cathode doivent être repérées sur le tube à rayons X (confer annexe 1 C) et le détecteur doit être placé en conséquence, de sorte que la dose mesurée soit maximale (du côté de la cathode) tout en évitant d'ombrager la radiographie. Dans le cas des salles analogiques, à une distance donnée, la dose mesurée par le détecteur augmente quand la taille du champ augmente: le nombre de photons diffusés par le patient atteignant le détecteur est beaucoup plus important.

2.3.6 L 'épaisseur du patient

Ce paramètre influence tout particulièrement le choix de la haute tension. Le travail réalisé par la commission radiodiagnostic de la Société Française des Physiciens d'Hôpital en 1991 a montré que pour une épaisseur de 20 cm, une filtration de 2,5 mm d'Al, une augmentation de 80 kV à 100 kV réduit la dose à la peau de 35 %.

2.3.7 La distance foyer - peau (confer annexe 2-E)

Si nous considérons que le faisceau de rayons X ne subit aucune interaction lorsqu'il traverse le volume d'air avant d'atteindre le patient (la couche de demi-atténuation peut être estimée au minimum à 4 m pour l'air), la dose décroît en 1/d² (loi de l'inverse du carré de la distance). Le détecteur ne pouvant pas être toujours placé sur le patient (le plus souvent il est fixé à côté à l'aide d'une bande adhésive), il faut faire une correction telle que si D'est la dose d'exposition mesurée au niveau du " DOSIMAX" placé à une distance d du foyer et e l'épaisseur de l'enfant la dose cutanée D est évaluée comme suit :



Figure 1 Distance foyer-peau d, épaisseur du patient e et dose cutanée D

2.3.8 Le détecteur radiographique (confer annexe 3B)

Dans le cas de la radiologie analogique, le détecteur est un film dont le noircissement est caractérisé par la densité optique. Des courbes sensitométriques donnant la relation entre la densité optique et de la délivrée sont fournies par le constructeur et permettent aux manipulateurs d'utiliser au mieux les qualités de contraste du film. De plus, l'utilisation d'écrans renforçateurs (écrans luminescents) composés de "terres rares" (oxysulfure de gadolinium) ont permis de réduire d'un facteur 2 à 4 la dose délivrée. Contrairement aux écrans standards, les écrans luminescents, pressés sur les deux faces de la cassette (boîtier plat contenant le film), possèdent une lumière adaptée à la sensibilité et à l'émulsion photographique qui impressionne le film: le temps de pose est 50 fois plus bref que pour le film directement exposé.

Les techniques modernes de conversion tels que l'emploi d'écrans " pièges à électrons " ou de caméras de télévision couplée à un amplificateur de luminance (confer annexe 3B) autorise un traitement numérique de l'image (modification du contraste et amélioration de la perceptibilité des éléments utiles au diagnostic) évitant ainsi de reprendre de nouveaux clichés.

2.3.9 Le détecteur " DOSIMAX "

La dose mesurée est à multiplier par un facteur de correction Cq (confer annexe IB).

2.3.10 Le comportement du jeune patient

C'est sans doute l'un des paramètres le plus important dans l'évaluation des doses délivrées en radiopédiatrie car les clichés refaits sont beaucoup plus nombreux que chez l'adulte en raison de l'indocilité de l'enfant. La présence du médecin radiologue près de l'enfant (radioprotection adéquate, annexe 3A) lors d'une cystographie, ou la patience et le tact du manipulateur au cours d'une radiographie pulmonaire, sont indispensables.

2.4 Conclusion

La mesure de doses d'exposition en radiopédiatrie ne peut donc adopter, en raison des trop nombreux paramètres techniques, humains et éthiques une démarche expérimentale telle que celle employée en Physique. Il est impossible de donner la dose exacte (avec une incertitude connue) que reçoit l'enfant après son passage à l'hôpital, on ne peut estimer qu'une" fourchette" de valeurs pour chaque type d'examens. Cependant, une estimation de la dose délivrée avec une incertitude (sur l'épaisseur du patient et le diffusé essentiellement) de l'ordre de 20 % reste une source d'informations utiles au radiologiste lui permettant d'éviter de reprendre des clichés ainsi qu'un point de départ vers la réduction de doses en radiopédiatrie.
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